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Regard de Marie Brazeau sur la facilitation de territoire
En début d’année 2020 s’est tenue la première session de formation à la facilitation de territoire, animée par l’équipe de Collporterre. Quelques mois plus tard, des participants témoignent des apprentissages qu’ils en ont retirée.
Cet article donne la parole à Marie BRAZEAU, Chargée de mission Participation citoyenne et animatrice du Conseil de développement Erdre et Gesvres (44).
En quoi la formation de facilitation de territoire a-t-elle changé ton regard sur la participation ?
Cette formation m’a plutôt permis de confirmer des intuitions, des pratiques, d’asseoir sur du « théorique » issu de l’empirique, des choses que je sentais ou pressentais. Cela m’a aussi permis de distinguer la « mobilisation des citoyens » - qui nécessite un certain nombre de conditions (que les gens se sentent accueillis, écoutés, utiles, etc.) – de la « facilitation », qui est plus un processus sur le long terme, moins visible mais tout aussi important, voire davantage. Au conseil de développement d’Erdre et Gesvres, on appelait ça « semer des graines » et cela correspond bien à cette posture de facilitation sur le territoire.
Je suis aujourd’hui plus à l’aise pour affirmer certaines choses que je pressentais jusqu’à lors, comme l’importance de mettre en valeur les autres pour susciter l’envie de coopérer, raconter ce qui se produit, les processus et dynamiques de coopération à l’œuvre ; mais aussi l’importance de rompre avec des pratiques très institutionnelles, d’avoir beaucoup beaucoup de convivialité dans nos pratiques.
Ce que j’ai apprécié dans cette formation, c’est qu’elle est vraiment « cousue-main », « construite sur-mesure » en partant des questions et des besoins des participants. Et surtout très structurante ; ce qui fait qu’aujourd’hui, elle guide vraiment mon quotidien professionnel.
J’arrive ainsi à identifier au fur-et-à-mesure ce que je fais et les leviers que j’actionne. J’ai une base de « trucs et astuces » pour entrer en relation, donner envie de coopérer, etc.
L’autre chose que j’ai beaucoup apprécié, c’est qu’elle est facilement appropriable par d’autres : je suis repartie de mon côté avec des outils, qui m’ont permis de communiquer assez largement. J’en ai parlé rapidement auprès de mes collègues de service, de certains partenaires, ainsi qu’aux membres du conseil d’administration du conseil de développement. Suite à ma présentation, ces derniers m’ont demandé de transmettre ces apprentissages au Comité des initiatives – un groupe de citoyens volontaires qui repère, valorise et met en lien les initiatives sur le territoire.
Concrètement, en quoi cette formation a-t-elle fait évoluer ton quotidien professionnel ?
J’appartiens au service développement durable de la communauté de communes d’Erdre et Gesvres en tant que chargée de mission participation citoyenne. Ma mission principale est d’animer le Conseil de développement et d’assurer l’interface et la coordination des projets entre cette association et les services et les élus de la communauté de communes.
Au niveau du service développement durable, la formation a permis d’opérer un virage, puisqu’on a désormais intégré la notion « d’aller vers »
Qui se traduit par écouter d’abord les projets des autres, pour ensuite connecter avec notre projet ; et non l’inverse comme on peut le faire habituellement. Avec l’importance d’entrer en lien, de créer la relation, pour créer le désir de coopérer.
Ce changement de posture s’est traduit par une action qu’on est en train de mener actuellement : nous faisons en effet le tour des communes pour écouter leurs projets. Cela nous permet de mieux nous connaître – personnellement aussi - et de voir comment l’intercommunalité peut faciliter leurs projets . C’est globalement très bien reçu ; et cela nous permet aussi d’identifier les élus et agents qui pourraient être intéressées à rejoindre le réseau coopératif qu’on est en train de constituer, regroupant des personnes volontaires à l’échelle de la communauté de communes sur le thème des Transitions. Pour infuser localement sur ces questions, en faisant le pari du collectif et de la coopération.
Au-delà de ce travail de terrain qu’on mène actuellement, on souhaite inscrire cette notion « d’aller vers » dans les fiches de poste des chargés de missions du service développement durable.
Parce qu’aller vers les autres, cela demande du temps et on doit pouvoir se l’autoriser davantage. Le fait de l’inscrire dans plusieurs fiches de poste comme fonction incontournable aurait aussi l’avantage de ne pas faire reposer les missions de facilitation de territoire sur une personne mais sur un groupe ; limitant ainsi les risques d’épuisement.
Au sein du Conseil de développement, j’ai aussi pu remobiliser les apports de la formation sur le changements de posture. J’ai ainsi pu réorienter certaines questions avec un groupe de citoyens en leur demandant non pas ce qu’il faudrait faire pour améliorer la situation mais sur quoi ils seraient prêts à s’investir eux-mêmes pour faire avancer les choses ; ensuite nous les avons invité à ce qu’ils prennent du temps pour s’organiser afin qu’ils soient autonomes dans l’avancée de leur projet. De la même manière, j’ai retenu que la coopération est une expérience irréversible : aussi je recherche davantage à amener les groupes de citoyens à être très vite dans le faire, même sur de petites choses, afin de favoriser l’interconnaissance.
Quels sont selon toi les plus grands défis pour développer ce métier de facilitateur.ice de territoire ?
La facilitation de territoire est pour moi une nouvelle fonction pour les métiers en charge d’une politique publique. Nous avons tous besoin d’amener les élus, les habitants, les entreprises, les associations, les services publics à coopérer pour faire de l’innovation sociale et répondre aux défis actuels.
A sein de la collectivité, je cherche à ce qu’on puisse se former collectivement à la facilitation de territoire, pour qu’à terme, le soutien aux initiatives soit actée par la collectivité ; notamment à travers son inscription dans nos fiches de poste.