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Municipales et numérique : (1) L’accompagnement des usages maitrisés des outils numériques

Cette contribution fait suite à une implication comme élu local sur l’appropriation sociale du numérique à Brest (1995 -2014) [1] avec la mise en place d’une centaine de points d’accès publics à internet, (les "papi") [2] sur le quartier de Kerourien à Brest, de l’internet pour tous à un euro dans l’habitat social d’un appel à envie de faire (un appel à projet où tous les projets sont retenus), un accompagnement de l’écrit public, un outillage (ateliers hebdomadaire, formation à la coopération animacoop) une mise en réseau (sites contributifs [3] qui référence les textes et articles de bilan publiés jusqu’en 2014.

Aujourd’hui le numérique devient omniprésent, avec des usages ancrés dans la vie quotidienne, qu’elle soit personnelle, professionnelle ou dans les loisirs pour une grande partie de la population.

Mais pour beaucoup de nos usages, nous n’avons pas de choix (sauf pour une minorité de personnes informées et outillées) :
- où réparer mon téléphone ou ordinateur ?
- comment avoir un outil facile de courrier, de navigation qui n’aspire pas toutes mes données ?
- comment réduire ma consommation énergétique numérique ?

Répondre à ces questions doit se faire localement et en proximité. C’est ce que nous ont montré le réseau des 100 "papi" ou le déploiement de l’internet pour tous en habitat social. Beaucoup de personnes, et surtout celles plus isolées socialement, utilisent des lieux qu’elles fréquentent déjà et en proximité.

Cela nécessite un accompagnement analogue à celui mis en place pour les "papi" : faire de l’accès public au numérique un service local qui s’appuie sur le réseau des acteurs locaux : équipements de quartiers, services publics locaux, associations. Et de plus, cela permet une diffusion des questions numériques dans le tissu local.

Pour un accompagnement au choix d’outils libres et éthiques

Beaucoup des outils que nous utilisons sont subis.

Nous les utilisons parce qu’ils sont faciles et semblent "gratuits", parce que nous ne voyons pas le coût subi en terme de données privées aspirées !

Et pourtant des alternatives existent avec des outils en logiciels libres respectueux de notre vie privé.

Un des enjeux d’une politique publique municipale est de permettre aux personnes, associations et entreprises de sortir de cette dépendance.

Les initiatives comme les Chatons, (Collectif des Hébergeurs Alternatifs,Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires) sont une première brique d’un dispositif local.

C’est par exemple le rôle joué à Brest par l’hébergeur associatif Infini qui propose des services d’adresse mel, de listes de diffusion, d’espaces collaboratifs, de publication ...

La toute puissance des Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft de plus en plus envahissante. La réglementation européenne du RGPD est un premeir pas pour limiter les dérives qui peine à se faire respecter. Nos mel continuent d’être lus par gmail, nos échanges sur facebook servent à nous profiler.. i

Et de fait il n’y a pas en France ou en Europe de politique publique soucieuse de promouvoir et accompagner l’usage d’outils éthiques alternatifs.

Où aller pour transférer ces mél vers un lecteur libre ou transférer ces dossiers sur un espace respectueux de nos données ?

Changer d’environnement n’est pas facile même pour une personne familière de l’usage des outils ?

Dans ce contexte d’absence de politique publique nationale ou régionale (les régions ou départements qui ont pris en charge l’accès au haut débit auraient aussi pu s"impliquer dans l’accompagnement des usages), il est indispensable d’agir localement.

L’accompagnement à la mise en place d’un service public local des outils numériques doit être étendu en proximité. Cela passe par la définition de procédures accompagnées de migration ou une personne, une association, une entreprise choisit en étant conseillée ses outils jusque dans leur installation un peu comme nous pouvons être accompagné par les agences locales de l’énergie.

L’investissement dans la mise en place de ces procédures, le soutien aux réalisateurs a un coût mais qui est créateur d’emplois et est surement aussi utile que le soutien aux innovations technologiques et aux start-up pratiquées par beaucoup d’agglomérations.

La mise en place de 100 points d’accès publics en proximité a pu se faire de manière frugale parce qu’il s’est appuyé sur un temps long sur les acteurs locaux. Là aussi cette démarche d’un "faire avec" est susceptible de toucher les personnes en proximité.

Pour les fablab de quartier, les papifab [4], c’est par une démarche volontaire que certains "papi" sont devenus, en étant accompagnés par la ville (matériels et formation) des espaces d’initiation à la fabrication numérique. Ces lieux de quartier sont complémentaires dans une démarche de Fabcity de lieux spécialisés comme l’Open Factory à l’Université de Bretagne Occidentale ou d’entreprises qui en ont fait leur activité.

On peut ici imaginer un dispositif analogue pour le choix et l’installation des outils qui généralise une offre de service public local marchand et non marchand, pratiqué aujourd’hui avec des moyens limités et donc à petite échelle, par quelques acteurs associatifs comme Infini ou la Maison du libre à Brest.

Et de la même façon que le projet Cybercommunes, avait pu dans les années 2000 [5] accompagner les communautés de communes rurales pour l’accès public, ou que le déploiement de la fibre est organisé à l’échelle régionale par le syndicat mixte Mégalis, la région les départements pourraient, via Mégalis, accompagner ce développement hors agglomération dans un souci d’équité territoriale.

Dans un tel déploiement de services autour des usages maitrisés des outils la formation est un élément essentiel. Il ne suffit pas d’avoir une machine proprement installée pour savoir s’en servir. Ici aussi un réseau de lieux de médiations numériques en proximité (tel celui des papis) est important pour permettre l’autonomie des personnes et acteurs de la cité. Ce volet devra être particulièrement pris en compte en alliant là aussi un modèle marchand et non marchand selon les publics concernés.

L’expérience Brestoise nous a aussi appris qu’une politique publique numérique repose sur une implication des acteurs locaux facilitée par un "donner à voir" qui valorise celles et ceux qui font, une attention aux initiatives et un souci des communs.

Aussi ce volet proposé n’est qu’une pièce d’un puzzle qui fera l’objet des prochains articles.

Merci à celles et ceux qui voudront bien partager leurs expériences et projets
en sobriété, vie privé, obsolescence, pour accompagner des usages maitrisés des outils numériques.

Voir en ligne : http://www.cooperations.infini.fr/s...

Notes

[1une politique poursuivie et prolongée notamment sur Fabcity par l’élu au numérique Ronan Pichon

[3voir le magazine a-brest et la dizaine de sites initiés par la collectivité et ouverts en écriture], Forum des usages coopératifs) et le soutien aux communs numériques ( Brest en communs) dont un bilan en terme de changement posture a été proposé ici : Premier pas vers une gouvernance contributive.

Elle fait donc référence à un contexte local largement documenté [[voir le wiki

[4voir aussi le wiki sur les papifab 2019 des Fabriques du Ponant qui accompagnent le projet

[5un projet malheureusement laissé sans suite dans les années 2010, lorsque la région s’est désintéressée de la question des usages

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