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L’Eco collaborative en germe
Freins et leviers qui conduisent l’homme vers une nouvelle appréhension de son environnement économique.
Un des freins majeur des groupes d’action / réflexion tient dans le cloisonnement. Ils ne s’ouvrent généralement pas en dehors de leurs milieux, les entreprises restent entre elles, les associations de même et il est souvent difficile d’entrer en relation avec une collectivité sans un sésame… Il en va ainsi de toutes les « corporations » qui ne sont perméables que dans la mesure où les acteurs qui les constituent sont les moteurs de cette ouverture. Peux de rouages de notre système prévoient, ni n’encouragent suffisamment la perspirance des différentes strates de notre société. Il est clairement question de l’absence des corps intermédiaires.
Au sein de ces structures les modes de gouvernance mériteraient une bonne mise à jour, le vote en est une illustration très rependue au sein des collectivités et des assos, l’autocratie correspond davantage au modèle entrepreneurial qui repose la plupart du temps sur le leadership. Les modèles de décisions au consensus, à la levée d’objection, à l’affectation de coefficients ouvrant à des subtilités dans les choix sont peu répandus. Je constate au quotidien l’inadéquation des nouveaux modes de gouvernance collaboratifs avec le fonctionnement des pouvoirs publics. Ces derniers veulent garder la main sur les décisions malgré les initiatives de « démocraties participatives » initiées parce que les financements européens l’inscrivent au cahier des charge ; de même en entreprise se concerter et co-construire une décision avec des intervenants extérieurs signifierait ralentir son rythme, perdre en autonomie, risquer l’ingérence… La peur d’être déposséder est un frein majeur. Mais qui possède quoi, voilà peut être la grande remise en cause entamée par les mouvements du libre et qu’il faut impérativement étendre pour que les limites de la propriété soient redéfinies, du moins remises en question !
Ainsi quand il s’agit de produire des résultats tangibles sur un territoire, pourquoi lever les boucliers, sortir les dents et creuser les oppositions ? La coopération suppose justement d’abaisser suffisamment tous ces curseurs pour offrir une situation qui rende possible la co-construction d’une réponse. Mais le problème d’un territoire est très souvent de faire face à son passif, à son histoire. L’exemple de la problématique du Lac au Duc à Ploërmel, régulièrement pollué, est assez emblématique. La faute est toujours dans les camps adverses, les moyens son pourtant légions mais si divisés entre les mains d’organismes si variés qu’une action commune semble impossible : département, intercommunalité, mairies, bassin versant, société de gestion de l’eau, agriculteurs et fédérations agricoles, associations de pêche, de sauvegarde de la nature, entreprises de loisirs etc. La situation exige une concertation mais l’intérêt politique qui se retrouve divisé à chaque niveau entre les différents acteurs neutralise toute bonne volonté ! Comment en ce cas et sans accompagnement extérieur approuvé par l’ensemble des acteurs, parvenir à sortir de ce guêpier ? La réponse n’est pas trouvée… plus d’info sur l’initiative citoyenne qui a pourtant amorcé ce dialogue de sourds… www.polen.asso.fr
Mais si l’on regarde, encore plus avant, les personnes au sein de ces structures, quelles qu’elles soient, une autre constante opposée à la coopération apparaît. Ce sont toujours les mêmes personnes qui bossent, s’impliquent et donc finissent par décider. Là encore les moins à même de s’imposer, de dialoguer, interpeller sont les derniers à avoir leur mot à dire quand l’immense majorité n’a pas sombré dans la plus inacceptable des indifférences à la cause commune. Paradoxalement nombre d’acteurs, notamment associatifs, s’épuisent faute d’une dynamique constante, à mobiliser les membres de leur groupe dans la conduite projets ; les patrons quant à eux soutiennent parfois à bout de bras des employés désintéressés. Un des enjeux de la démocratie est, ce me semble, de réintroduire la notion de service du bien commun par les différentes strates et les multiples acteurs qui en sont responsables. Il faut y parvenir autrement que par le simple truchement de l’imposition qui, comme le don, dédouane celui qui règle la note de son devoir personnel d’incarner une responsabilité envers le bien commun, ou ici la charité la plus élémentaire lorsque les occasions, qui ne manquent pas au pied de sa porte, se présentent. Le tirage au sort proposé notamment par les "gentils virus" gentilsvirus.org/ serait s’il est bien accompagné une réponse adéquat sur ce point dans la mesure où chacun est dès le plus âge responsabilisé.
Outre les personnes qui ne sont pas formées, motivées et incitées, les organisations dans leurs modèles de fonctionnement ne sont tout simplement pas prêtes, pour la majorité d’entre elles, à collaborer autrement que par la passation de marché. La carotte est semble-t-il la seule garante de résultats même si elle ne garantie en rien le satisfecit des différents partis. La somme de ces freins interrompt l’élan pourtant parfois sincère d’ouverture des acteurs de bonne volonté. Il est plus simple d’apporter une réponse descendante de type subvention et sponsor que de s’engager à collaborer. Bien des politiques sont fondées sur des logiques de mannes financières répondant à des besoins –le plus souvent ponctuels- identifiés à des échelles éloignées du territoire ou de l’objet de leur emploi. La collaboration se limite souvent à l’évaluation de la politique engagée ou du moins au contrôle de l’argent dépensé. Là encore un fonctionnement mobilisant davantage les techniciens, les chercheurs, les organes politiques de financement et les citoyens devrait voir le jour, ainsi sans enfreindre pour autant la subsidiarité, l’implication citoyenne serait renouvelée. Pour y parvenir, pour que chacun soit égal devant ses devoirs civiques envers sa communauté de vie, une solution simple devrait être proposée : Un service civile obligatoire de trois mois minimum pour chaque citoyen et à chaque âge de la vie pour le lancement puis à l’issu des études pour les générations à venir, ce service devrait permettre d’apporter le minimum théorique nécessaire à l’exercice de ses devoirs civiques ; un minimum de pratique engageant les participants sur des services territoriaux. La simple visite des personnes âgées pourrait occuper un bon million de personne en continue, la mise en oeuvre de monnaies complémentaires, l’entretien du désherbage des voiries sans produits chimiques et je suis persuadé que les idées ne manqueront pas.
La collaboration n’est donc pas innée pour l’homme en société. Elle s’apprend en effet et de mieux en mieux depuis l’avènement du web et d’une société, au moins virtuellement, contributive. Oui Share en est un bon exemple. La nature ne serait pas modélisée sous la forme compétitive mais bien collaborative. Malgré son apparente dureté, les espèces ont trouvé des synergies pour survivre, évoluer et perdurer en évitant les affrontements inutiles. Toutes celles qui ont eut trop d’appétit, d’esprit de conquête et de domination ont tôt ou tard disparues... victimes de leurs appétits.
L’homme sortant à peine de son adolescence capricieuse à grand renfort d’égo va-t-en guerre et de désirs possessifs consuméristes va-t-il enfin passer le seuil et s’ouvrir à une forme de sagesse au moins digne d’un proto-adulte ? Cela supposerait dans l’échange avec autrui d’accepter ses propres fragilités que l’on nommera trop facilement chez l’autre défauts, vous savez cette attitude nous portant à poser un jugement facilement étiquetable et le plus souvent indélébile : c’est un troll et on n’y reviendra plus... s’appliquer également à ne plus faire pour soi mais avec soi - notez la nécessaire distanciation et par incidence les indispensables sacrifices des trop plein d’égo. Faire pour les autres, pour le plus grand nombre ce qui sous entend encore d’accepter d’être dépossédé pour partie et après éventuelle rétribution de ce que l’on produit, invente ou crée – c’est déjà le cas dans la condition ouvrière notamment-. Oui partageons mais dans la mesure où une bonne idée, comme le couch-surfing par exemple, ne devient pas un outil mercantile après avoir épuisé les bonnes volontés qui l’animaient. Car la coopération nécessite avant tout la confiance réciproque. Trahi une fois, prudent toujours ! Ô combien difficile est la construction d’une véritable confiance réciproque, alors une confiance en société !? Devra-t-elle passer par des outils, systèmes d’évaluation, systèmes de valeurs ? Un premier pas a été franchi, tout récemment, lorsque nous nous sommes sentis trahis par la finance internationale entre autre…
L’apparition des outils monétaires alternatifs ont ainsi vu le jour, ils ont leur rôle à jouer dans une économie du partage et de la collaboration. Comment en effet identifier au sein de tout ce beau monde embourbé dans des pratiques plus ou moins saines celles et ceux qui ont fondé leurs activités avec le double effort d’inscrire le partage et donc l’homme au cœur de leurs préoccupations ?
Ainsi le pire ennemi de l’homme aujourd’hui, l’argent financiarisé et ultra libéral peut devenir un bon auxiliaire sociétal une fois que des règles et des limites claires lui auront été assignées. Le jeu de l’argent dette et le fonctionnement de « valeurs » des monnaies (trans)nationales fait fit de toute éthique ou de n’importe quelle référence à l’origine de la richesse, de la valeur du travail, de la probité des échanges ou encore au mode de production des biens ainsi « créés » par l’argent que nous avons en poche. Avec les nouvelles technologies, il devient possible de suivre chaque billet et de programmer la monnaie pour qu’elle ait un code source propre et vertueux. Utopie ? Les actuelles monnaies locales complémentaires (MLC) en sont les prémices, elles valorisent les acteurs locaux ayant des pratiques éthiques, favorables au territoire, à leurs employés… Elles excluent d’office ceux qui ne suivent pas les règles écrites par les collectifs qui en sont à l’origine et en assurent la gouvernance. Fruit de la contribution à la fois des producteurs, des commerçants, des consommateurs, parfois des élus et des collectivités, les MLC sont à ce jour l’outil de partage et d’échange alternatif dont le code source est le plus aboutit mais aussi le plus varié, s’adaptant à chaque spécificité territoriale, environnementale ou politique. Dixit, les monnaies de Curitiba, de Gand, du Japon avec le Furei Kippu, du Chimgauer en Allemagne ou de Suisse avec le WIR.
Ces outils monétaires sont au service de la subsidiarité – chaque échelle doit se prendre en main et agir dans son domaine et à son niveau de compétence, de la personne humaine aux étages super-étatiques- ; ce ne sont ainsi plus les banques qui forgent seules notre consommation en privilégiant l’emprunt des multinationales, mais chaque territoire pourra progressivement en dessiner les contours, par conséquent, ce devoir accompli offrira une plus grande liberté à la communauté qui s’en chargera. Un fardeau léger à porter pour un gain substantiel : de meilleurs produits, créés dans de bonnes conditions de travail avec moins de transports, correspondant aux spécificités locales, des emplois créés pour satisfaire aux besoins identifiés, des masses monétaires mobilisées par ceux qui en sont les garants à destination de tiers de confiance… Assurément ce tableau est-il trop beau et doit-il être nuancé, il est toutefois plausible et tout aussi sûrement préférable au modèle planétaire dominant qui règne sur la misère des uns au profit du petit nombre.
Je ne pouvais terminer sans souligner le frein le plus profond, celui de l’habitude et du confort, l’habitus qui dit que c’est ainsi et que ça ne changera jamais, le confort qui apaise toute velléité de remettre en question l’ordre établi dont on jouit… avec un canapé et une télé il sera toujours impossible de mobiliser une majorité qui bouge… Majorité qui sais pourtant, ne serait-ce que partiellement qu’elle doit son confort à la misère qui règne partout autour d’elle dans le monde, ici pour le cours des céréales, là pour les terres rares, ou ici encore pour le pétrole… Oui partageons bien ce que tous doivent savoir pour qu’il n’y ait au moins aucune excuse à l’inaction et à la prise de conscience.
CA