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Ce que nous apprenons des Riposte Créative, une démarche d’écriture collaborative réutilisable

Impliqués dans la création et l’animation de plusieurs Riposte Creative, nous (Michel Briand, Laurent Marseault) avons été sollicités par différents acteurs de la Transition ou de la participation pour apporter un retour sur cette expérience de coopération ouverte.

Les Riposte Creative sont des espaces d’écriture collaborative qui donnent à voir les initiatives de solidarité et les inspirations. Elles contribuent à préparer un après en élaborant des gestes barrières permettant de nous émanciper de l’avant. Cette démarche est réutilisable pour les projets conçus en attention vis à vis de celles et ceux qui agissent et font le choix d’une coopération ouverte en partage sincère, dans une logique de fonctionnement en archipel.

Aussi voici quelques éléments qui nous semblent associés dans les Riposte Créative à cette démarche.

Une implication de notre part qui s’inscrit dans le prolongement des rencontres Co-construire de Tournai "Coopération ouverte pour un monde vivable et désirable (août 2019).

Dans un précédent article "Les espaces « Riposte Créative » pour donner à voir et « préparer l’après »" nous avons expliqué la démarche à partir des initiatives de Riposte Créative Territoriale, Brest, Pédagogique et Bretagne.

Nous nous plaçons dans une perspective un peu différente de celle de la réutilisation dans d’autres contextes de la démarche d’écriture collaborative ouverte en décrivant quelques traits communs aux Riposte Créative qui vont de pair avec cette démarche.


dessin d’elice@live.fr publié sur Riposte Créative Territoriale à l’occasion du 3iéme webinaire avec Patrick Viveret

Une écriture ouverte en écho à une abondance d’initiatives

Un peu partout des milliers d’initiatives locales de solidarité sont apparues face à la crise Covid 19 : entraide entre voisins, fabrication artisanale de masques et visières, mise en place de circuits courts... C’est ce pouvoir d’agir en actes émergeant que nous avons décidé de rendre visible, telle cette carte qui documente 450 initiatives en Bretagne, dont une soixantaine à Brest, probablement la partie émergée de milliers d’autres.


La carte de Riposte Créative Bretagne.

Cette collecte démontre la faisabilité d’une écriture ouverte à tous sans modération à priori, autre que la charte qui indique l’intentions des Riposte à Brest et en Bretagne :

- donner à voir et mutualiser les initiatives en complémentarité des services et groupes mis en place

- exprimer des besoins prenant en compte les personnes en précarité, en situation de fragilité et éloignées des services proposés

- favoriser l’attention, le soin, et une convivialité, et ainsi contribuer au bien vivre ensemble

- favoriser des transformations créatives solidaires et en transition pour l’après

L’abondance d’initiatives locales nous la connaissons aussi dans ces villes en transitions, rendues visible pour la partie société civile par les cartes de Transiscope [1]

Cela peut aussi concerner les initiatives d’une école ouverte, de participation des habitants, de circuits courts, de tiers lieux qui dés maintenant maillent par milliers nos territoires.

Riposte créative : la démarche en attention aux initiatives locales

L’apport des Riposte est d’associer à la cartographie une description de chaque initiative dans une écriture ouverte qui mêlent actions des personnes, des associations ou de services publics locaux.

C’est le parti pris d’être en attention aux initiatives de celles et ceux qui font.

Cette démarche peut intéresser les collectivités locales qui se rendent compte de l’intérêt d’un partenariat associant service public locaux et initiatives de collectifs citoyens.

Un outil convivial libre et simple d’usage

Les Ripostes Créative nous montrent, aussi l’efficience d’un outil convivial libre et simple d’usage.

Nous n’avons pas été habitués à publier, à raconter ce que nous faisons et l’écriture sur le web d’un article est pour beaucoup quelque chose de compliqué. La contribution via un formulaire est un pas beaucoup plus facile à franchir que l’écriture d’un article. Pour les fiches initiatives cela ne prend que quelques minutes par exemple.

Le choix communs aux Riposte de la modération à posteriori valorise la contribution qui est immédiatement visible pour son auteur.e.

Une valorisation renforcée par la géolocalisation, immédiate dès qu’une adresse est rentrée.

L’information collectée sur un territoire local participe ainsi à une mise en proximité susceptible d’intéresser les acteur.ice.s du territoire.

L’usage du moteur Yeswiki a grandement contribué à la naissance d’une série de Riposte Créative. Nous avons appris qu’ouvrir un espace convivial était possible en 2 ou 3h avec, dés le démarrage, la disponibilité des formulaires et un rendu attractif par la géolocalisation des initiatives.

Du fait de cet intérêt grandissant, l’idée d’une formation d’accompagnement est apparue. Et suite à une demande du CNFPT nous avons conçu avec Laurent un programme de formation sur 5 séquences de 3h "Créer et animer un espace Riposte Creative" pour apprendre en actes et faciliter une dissémination de ces pratiques.

Une frugalité

Les Riposte Créative sont aussi une expérience de frugalité puisque les moyens nécessaires pour démarrer sont extrêmement modestes. Plusieurs Riposte ont été initiés par l’implication de quelques personnes et une adaptation locale ou thématique de Riposte Créative Territoriale.

La difficulté n’est ni budgétaire, ni technique. La création d’un Riposte Creative nécessite une envie partagée par quelques un.e.s de faire vivre un espace en attention au territoire, une culture du donner à voir et de l’écriture ouverte qui n’est pas très courante.


Vers une communauté apprenante

Et le chemin continue en "communauté apprenante" c’est à dire où l’action s’accompagne d’une réflexions sur cette action. Ainsi à partir de différents espaces de Ripostes émergent des projets tels

  • un projet de recherche-action régional sur les conditions de la coopération et de la résilience en prolongement de Riposte Créative Bretagne
  • des rencontres et partages d’expériences entre les acteur.ice.s des Riposte Créative (ce que nous avons appris de cette expérience).

Et nous l’espérons beaucoup d’autres apprentissages à venir sur ce qui facilité la coopération ; la résilience de territoires, et ces formes de gouvernance partagée.

Une expérience de communs

C’est aussi une expérience de communs en gouvernance partagée, dans un fonctionnement par consentement où les initiatives des uns et des autres sont les bienvenues.

Nous avons fait le choix initial de contenus mis en partage sincère par une licence CC by SA où les contenus produits : structures de base de données, contenus, formations, enquêtes sont librement réutilisables.
C’est aussi une transparence dans le fonctionnement avec une mise en ligne des contenus de réunion à partir des "pads" de prise de notes collaboratifs. Une pratique qui contribue à une confiance entre les participants et favorise la coopération entre les groupes de travail.

Ce partage qui est loin d’être une pratique courante, y compris dans des milieux qui se réclament de la démocratie de l’économie sociale et solidaire ou de la recherche et des services publics fait aujourd’hui partie des pratiques communes de tous les Riposte Créative.

Des relations de confiance  : Les Riposte Créative, ce sont aussi des personnes qui se sont souvent déjà rencontrées par ailleurs ou via des tiers et partagent des pratiques de coopération ouverte. Dans un tel projet basé sur l’implication volontaire des personnes, la confiance au sein du collectif est un élément essentiel.

Vers un fonctionnement en Archipel

Nous apprenons aussi à fonctionner en archipel. Les espaces Riposte Créative sont très variés dans leur point de départ : la direction de l’innovation du CNFPT, des personnes à Brest et sur Riposte pédagogique, le Tilab et la personne de Benoit Vallauri en Bretagne, des collectivités et associations dans la région Centre Val de Loire. [2].


L’identité racine de chaque archipel est lié à la culture s acteur.ice.s impliqué.e.s au départ de chaque projet, chacun avec son histoire, ses expériences antérieures qui lui sont propres.

Et nous commençons juste à établir des relations entre les Riposte. Si les premiers Riposte se sont inspirés du Riposte CreativeTerritoriale, c’est maintenant la Bretagne qui propose des fiches Inspirations pour qualifier des actions en gestes barrières pour un après qui ne reprennent pas les inégalités et errements de l’avant. Et les cousinades de Gironde qui nous proposent un modèle de rencontre par îlots.


C’est aussi la richesse de cette expérience qui vaut à la fois par

  • le sens donné : cette charte partagée qui explicite l’attention commune aux initiatives, la confiance à priori, la valorisation de celles et ceux qui font, un partage des contenus, une projection sur l’après (cf Bruno Latour)
  • et nos productions qui sont partagées par des bases de données interopérables, pas des inspirations qui circulent d’un Riposte à l’autre.

Ainsi le 15 juin ce sont plus d’une dizaine d’initiatives qui voient le jour avec la recherche de relations d’échanges.



Une écriture ouverte qui peut fonctionner pour d’autres projets.

Par la modération à posteriori cette écriture ouverte des Riposte Créative va au delà des espaces contributifs initiés à Brest et en Bretagne tels a-brest ouBretagne-creative. [3].

Cette écriture ouverte à priori, facilitée par les formulaires a un contour évolutif : hier les initiatives, aujourd’hui les inspirations demain les convergences ?

Une écriture ouverte qui va aussi être proposée pour labacces, initiatives de recherche action autour des questions de l’accès aux droits et aux services publics dans un contexte de dématérialisation. [4]

Pour les territoires en transition une démarche analogue aux Riposte Créative peut fonctionne parce que

  • la profusion d’initiatives locales est là
  • l’urgence climatique s’impose à nous et devient de plus en plus évidente
  • la coopération ouverte pour y faire face émerge [5]

On peut aussi l’imaginer pour les initiatives de participation, de démocratie ouverte, de territoires apprenants, de formation active où les apprenants partagent leurs productions (communauté apprenante, voyages apprenants ..), de réseaux d’entraide ...


Avec quelques difficultés qui n’empêchent pas d’agir mais dont il faut avoir conscience : la nécessité d’un changement de posture pour les collectivités :

  • être en attention aux initiatives du territoire n’est pas facile ni dans la culture courante des collectivités (signalons l’exception positive du réseau Bruded de 150 communes autour du développement durable en Bretagne).
  • les collectivités tout comme les universités et même beaucoup de "grandes" associations interlocuteurs institutionnels refusent le partage à priori en interdisant la réutilisation de leurs contenus (cf les mentions légales de leur site, une continuité de ce "cacher notre copie" que nous avons tous appris à l’école)
  • l’idée d’une écriture ouverte à tous est un autre pas de côté dans un fonctionnement souvent basé sur le contrôle, même si après 17 ans d’expérience nous n’avons jamais relevé de conflit sur les 10 sites contributifs brestois, cela se passe dans la tête des élus et responsables de services.

Notre retour retour d’expérience des Riposte montre qu’un pas peut être fait dans une démarche de capacitation et de coopération au sein des territoires et de réseaux thématiques en s’appuyant sur les facilitations que nous avons citées :

  • une écriture ouverte
  • un outil convivial libre et simple d’usage
  • un sens et une charte partagée explicite
  • une frugalité
  • le partage sincère et la transparence du fonctionnement
  • des relations de confiance entre les acteurs des initiatives quant à la coopération ouverte et au partage sincère
  • une formation, une entraide en communauté apprenante
  • un archipel d’initiatives reflet de la diversité des situations

Voila un premier retour à partager avec votre projet

en coopération et en partage sincère !


[1] Pour le moment par sa charteTransiscope ne répertorie pas les initiatives impliquant des collectivités ou des services publics, une extension est en cours pour prendre en compte les initiatives dès mors qu’elles sont en gouvernance partagée

[3] Ces magazines ouverts à tous.tes en écriture peu courants dans l’espace des collectivités locales fonctionnent toujours après 15 ans et des milliers d’articles publiés (1 à 2 par jour en moyenne)

[4] Un collectif qui regroupe plusieurs dizaines de personnes en Bretagne : collectivités locales, chercheurs, associations travailleurs sociaux et médiateurs du numérique autour des territoires en transition.

[5] voir le texte issu des rencontres Co-construire de Tournai "Coopération ouverte pour un monde vivable et désirable (août 2019).

Voir en ligne : http://www.cooperations.infini.fr/s...

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