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Le numérique au service du territoire

Un article repris du blog Tribu-solidaire.

J’étais vendredi 6 juin à la 2nde étape du Tour des Solutions du MOUVES, organisée à Montpellier et dédié, cette année, aux initiatives numériques qui répondent aux problèmes sociaux et environnementaux. J’ai assisté, à cette occasion, à un atelier intitulé « Le numérique au service du territoire ». Vaste chantier… mais dont cet atelier a permit de dresser un rapide tour d’horizon, dont je vous propose de rendre compte dans ce petit billet.

Permettre l’auto-organisation d’un territoire.

L’atelier était organisé autour de témoignages d’acteurs et de porteurs de projets. Le premier à prendre la parole, Sylvain MAIRE, community manager chez Imagination for People, est venu rendre compte d’initiatives numériques auxquelles il a participé pour permettre aux quartiers auto-produits, notamment dans les pays en voie de développement – bidonvilles, favelas, etc… – de s’organiser, de manière horizontale. En effet, dans les quartiers auto-produits, rien n’est prévu pour gérer les déchets, les eaux usées, l’approvisionnement en eau potable ou encore l’éclairage public. Face au manque d’action des pouvoirs publics en place, les habitants de certains de ces quartiers se sont organisés de manière horizontale et collaborative pour trouver des solutions. C’est ainsi que l’association Colombbus a développé en 2009 COLIBRI, prototype de plateforme collaborative pour la collecte, l’analyse, le suivi et la diffusion des informations dans les quartiers. Cette plateforme, initialement développée pour les actions menées au Venezuela : cartographie, démographie, histoire, identification des problèmes et plan d’actions pour les résoudre, etc., est aujourd’hui disponible pour d’autres initiatives, semblables. En formant des jeunes à l’utilisation de cet outil, Colombbus compte favoriser leur implication dans la vie du quartier (source : site Internet de l’association).

La production d’applications et plateformes pour la coopération horizontale autour de problématiques de développement a connu une progression fulgurante ces dernières années. Tout le monde y va de son application d’urgence (ex : géolocaliser des sinistrés après un séisme), de collecte de données (voir par exemple Ushahidi, plateforme créée par une start-up africaine, après la crise au Kenya en 2007 à la suite de l’élection présidentielle, pour collecter les témoignages de violence envoyés par email et SMS, et les placer sur Google Maps. C’est aussi le nom du logiciel open source développé pour ce site, qui a été amélioré depuis, rendu convivial, et utilisé pour nombre de projets similaires), ou encore, comme dans le cas du projet Colibri, pour permettre aux habitants des quartiers de s’organiser. Le potentiel de ses outils est énorme car si les habitants de ces pays ont peu accès à Internet, ils sont très largement équipés en téléphone portable et peuvent envoyer des informations par SMS. Toutefois, comme l’a reconnu Sylvain MAIRE, il est peut-être temps que ces initiatives entrent dans une phase de maturité et il serait intéressant de faire une étude d’impact d’ensemble de ces dispositifs : passe-temps de geek ou réel progrès ?

(Re)créer du lien social

Jérôme Laval et Sandrine Planchon sont venus parler de leurs projets, respectivement Autour.com, réseau social de quartier et Cobiive, plateforme d’organisation d’ateliers de partage de savoir-faire. Objectif : (re)découvrir les richesses que recèle son quartier et repartir à la rencontre des gens. Dommage de devoir passer par son ordinateur pour créer du lien avec son environnement me direz-vous… Et pourtant, ces réseaux sont juste un outil de plus, aux côtés des associations, petits commerçants et autres maison pour tous, pour découvrir qui fait quoi autour de chez soi et partager de bons moments. Bref, recréer du lien social. Des dispositifs complémentaires plutôt que substituables. Deux conditions nécessaires de réussite de ces outils néanmoins selon moi :

  1. La plateforme reste un outil mais le cœur du projet se passe dans la vraie vie. Et c’est bien la possibilité de mailler vie numérique et vie réelle qui est passionnante dans les projets de ce type.
  2. Si l’outil est générique et peut être utilisé partout, il doit être ancré dans un territoire. Il n’est nullement question en effet de converser avec le reste du monde mais de redécouvrir son quartier. Beau programme !

Soutenir l’innovation sociale en publiant ses recettes

C’est l’ambition du projet Bretagne Creative – que Gwendal Briand, de l’association Collporterre, est venu nous présenter – qui s’est donnée pour mission de « donner à voir, encourager les croisements et expliciter » les innovations sociales portées par les acteurs bretons afin qu’elles fertilisent les esprits en Bretagne et ailleurs et puissent être copiées et dupliquées sur d’autres territoires. Sur le modèle du logiciel libre en informatique, les porteurs du projet Bretagne Créative ont souhaiter publier le « code source » de leurs projets (voir cet article pour accéder aux « recettes » publiées) mais aussi générer des échanges et partages autour des innovations sociales qu’ils ont recensées. Pour ce faire, ils ont utilisé la plateforme Imagination for people qui permet de construire de manière collaborative des fiches-projets, trouver des partenaires, échanger… Mais, ce que Gwendal reconnaît c’est que ce projet ne peut vivre sans une animation sur le territoire : organiser des rencontres pour collecter les innovations sociales, expliquer la démarche, faire se rencontrer les gens… On rejoint en cela le précédent projet et c’est ce qui prend du temps. D’autant plus que la collaboration, qu’elle soit numérique ou réelle, bute toujours sur les mêmes problèmes : chocs de cultures, manque de temps pour l’échange, des personnes qui ont du mal à sortir de leur spécialité… Gageons néanmoins que toute le travail réalisé par Bretagne Créative permettra aux autres territoires de ne pas repartir de zéro !

Démultiplier l’impact des réseaux physiques

Pierre Billet, délégué au développement durable au sein de La Poste, est venu nous parler des réflexions de son entreprise à propos de la relation entre numérique et proximité. En effet, la Poste, forte d’un réseau incomparable de postiers assermentés sur le terrain, s’interroge aujourd’hui sur la façon dont numérique et proximité peuvent générer de nouveaux services. Si les perspectives ne sont pas que sociales (exemple : venir constater un sinistre pour une compagnie d’assurance, prendre des photos et les faire parvenir à l’assureur), elles le sont aussi ! Équipés de smartphones, les postiers pourraient servir de lien entre les entreprises sociales et leurs cibles : personnes âgées ou isolées par exemple. Si une masse critique de service est nécessaire pour que le modèle économique soit viable, il y a là, j’en suis persuadée, une vraie réflexion à mener sur les synergies entre entreprises « traditionnelles » déjà fortement implantées sur les territoires et start-up de l’ESS.

Mailler les dynamiques territoriales et les outils numériques

En conclusion, ce qu’il ressort de cet atelier – de mon point de vue – est qu’il est illusoire de vouloir proposer des outils numériques en l’absence d’une réelle dynamique sur le territoire. En effet, l’outil prolonge, démultiplie l’impact de projets qui lui préexistent mais de s’y substitue pas. Dans chacun des projets présentés lors de cet atelier, c’est le travail de relation sur le terrain, au sein d’un territoire, qui permet de décoller. C’est en tout cas l’enseignement que j’ai retenu !

Pour finir, comme nous sommes dans le thème, je vous donne le lien vers le 6ème forum des usages coopératifs qui se tiendra à Brest du 1er au 4 juillet qui vous convie à réfléchir sur l’émergence d’une société contributive grâce au numérique. C’est là : http://forum-usages-cooperatifs.net/

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