Accueil > Innovations > Le jardin de Kerampéré, "terrain d’exploration de pratiques collaboratives"

Le jardin de Kerampéré, "terrain d’exploration de pratiques collaboratives"

Entretien avec Pierre-Yves, co-président de l’association.

Depuis début 2016, sur le site de l’ancien camping de Saint-Marc, les membres du jardin de Kerampéré travaille à la transformation de cette friche en terrain d’expérimentation agricole et sociale. "Faire ensemble", réfléchir à la répartition de la richesse créée (ou plutôt récoltée !), accompagner l’appropriation d’outils numériques collaboratifs,... Nombreux sont les champs d’expérimentation !

Merci à Pierre-Yves d’avoir répondu à ces questions.

Quel a été le facteur déclenchant de ce projet ?

Nous avions organisé à 4 animateurs un parcours autour du développement durable sur St Marc à Brest : L’Agenda 21 des familles. A l’issue de cette expérience, plusieurs participants ont souhaité poursuivre un bout de chemin ensemble. Outre le développement d’une forme de camaraderie entre plusieurs familles, le souhait de continuer le chemin s’est matérialisé à travers la création d’associations : "Brest St Marc Énergie Citoyenne" et "le jardin partagé de Kerampéré".

En effet, en janvier 2016 une asso était créée pour gérer le site de l’ancien camping fermé depuis près de 15 ans. Au printemps une convention était signée avec la Mairie, s’ensuivirent les premiers coups de bêche : le jardin partagé de Kerampéré était né !

En quoi ce projet est-il singulier et créatif ?

Les jardins partagés sont souvent divisés en parcelles privatives, la parcelle collective étant reléguée au second plan. Depuis la naissance de notre projet l’apprentissage du "faire ensemble" est au cœur de nos préoccupations et le jardinage un terrain d’exploration des pratiques collaboratives. Nous ne proposons donc pas de parcelles privatives et sommes très attachés au caractère public de l’espace qui nous est confié. D’ailleurs je dis souvent que nous n’avons qu’un jardin mais qu’il est grand !

Par ailleurs, la genèse de la création de l’asso nous porte à soutenir les initiatives locales et concrètes en faveur du développement durable.

Quelle est la plus-value sociale du projet ?

A travers la gestion associative du terrain municipal, nous tissons progressivement un lien original entre le lieu, la collectivité, les bénévoles, les autres structures socio-culturelles, les soutiens divers, les riverains, les usagers...

Si dans un premier temps la priorité du groupe est portée sur la production de légumes, les initiatives en faveur de rencontres avec les résidents de l’Ephad voisin, des écoles du quartier, des foyers sociaux seront amenées à se développer progressivement.

Si certaines personnes sont rentrées dans l’asso pour manger les poireaux qu’elles ont plantés, on les croisera parfois cherchant à s’approprier des outils numériques pour faciliter le travail collectif ou à s’intéresser à la question de la démocratie participative... L’échange des savoirs est un des moteurs du groupe.

Les habitants, en s’appropriant cet espace de rencontre, rendent le quartier plus humain, la vie locale plus agréable. Nous devrons cependant être vigilants à accueillir les publics les plus fragiles socialement afin d’éviter de renforcer la "gentrification" déjà bien avancée du quartier. La mixité sociale des usagers mais aussi au sein de l’asso sera un axe à développer dans les années à venir. Je pense que cette question sociale est incontournable, ne pas y répondre rendrait caduque l’ensemble de notre projet.

Plus largement, le jardin de Kerampéré est un relais sur les questions liées à la transition écologique et citoyenne. A travers les rencontres et la vie du groupe, l’asso propose aussi un cadre permettant l’émergence de projets collectifs concrets.

Quel est le modèle socio-économique de ce projet ?

Le projet du jardin ne marche que parce que des bénévoles passent du temps à préparer la terre, faire les semis, soigner les cultures, planter des fleurs. Nous nous retrouvons généralement le mercredi après-midi, le samedi matin et le deuxième dimanche du mois après 15h. Nous comptons une quinzaine de membres actifs et une cinquantaine de personnes suivent nos infos via la liste de diffusion.

Pour l’instant, les bénévoles prêtent au jardin leurs outils de jardinage. Cette année, pour la construction d’un abri, nous lançons une campagne de financement participatif (vous pouvez y participer jusqu’au 10 mai). Par ailleurs, la fête de l’été en musique est un autre évènement qui nous permet de collecter quelques moyens financiers en plus du paiement des cotisations.

Si aujourd’hui les bénévoles prêtent encore leurs outils et achètent régulièrement des plants, l’association devrait à terme pouvoir assumer l’ensemble de ces frais.

Nous avons passé une convention avec la Ville de Brest et la Mairie de quartier de St Marc est très attentive à nos besoins et nous apporte un cadre de développement bienveillant sans être intrusive. A titre exceptionnel nous avons demandé et obtenu aide financière de la Mairie l’an dernier.

Comment sont réparties les récoltes entre les jardiniers ? Le jardin de Kerampéré a-t-il pour ambition de grandir et d’accroître sa production ?

Au jardin de Kerampéré, les récoltes sont destinées à nourrir le projet et ses jardiniers. Du suivi du compost à la récolte des légumes, l’organisation est collective et c’est notamment sur la phase de récoltes que nous nous démarquons du mouvement des Incroyables Comestibles. Lorsque les jardiniers viennent travailler, nous veillons à ce qu’ils puissent repartir avec des légumes. Pour le partage nous nous reposons sur une forme de stigmergie, chacun estimant dans quelle mesure il peut se servir.

Notre objectif est d’arriver à fournir en légumes la quinzaine de famille qui œuvrent au jardin tout en étant vigilant à accueillir toute personne souhaitant rejoindre le groupe. Pour atteindre cet objectif nous devrons continuer à développer les surfaces cultivées tout en intensifiant notre productivité... Work in progress !

Il paraît qu’on utilise des wikis et des outils collaboratifs du côté de Kerampéré... Qu’est-ce que ces manières de faire et outils numériques apportent / pourraient apporter aux jardiniers ?

Des jardiniers ont suivi la formation animacoop sur les pratiques collaboratives et les outils qui peuvent la faciliter... Du coup le site YesWiki se retrouve au cœur de l’organisation du jardin ! Tout comme le jardinier sait être inventif pour bricoler les outils à sa main, nous cherchons constamment à "bidouiller" avec des outils informatiques simples pour planifier les cultures, informer les curieux, tenir un calendrier, organiser les rencontres, se former, réseauter...

L’organisation des jardins partagés collectifs est simplifiée par l’utilisation du numérique. Ces outils ouvrent de nouvelles perspectives organisationnelles encore en cours de défrichage du côté de Kerampéré !

À la une