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Badger en fablab et autre lieu pédagogique ouvert

Cet article présente à la fois un retour sur la mise en pratique des open badges en fablab universitaire et un guide pratique pour badger des compétences et savoir-faire dans des lieux de pédagogie ouverts. En tant que fablab de l’université, le rôle de l’Edulab (membre du réseau Labfab) est de proposer un lieu ouvert à tou·te·s favorisant l’auto-formation entre pairs sur l’usage du numérique à des fins créatives et s’engager dans des projets de fabrication numérique. Tony Vanpoucke, fabmanager, et Valentin Samson, assistant techno-pédagogique au Service Universitaire de Pédagogie se sont engagés cette année dans la conception de badges ouverts, en collaboration avec l’Association Bug.

Comment ce projet de mettre en place des Open Badges au sein de l’Édulab de l’Université Rennes 2 est il venu ?

Les Open Badges sont nés de la fondation Mozilla en 2010. L’idée derrière les Open Badges est de reconnaître et valoriser les acquis dans les contextes d’apprentissage et les contextes professionnels. En tant que fablab de l’Université Rennes 2 , nous faisons également partie du réseau Labfab, regroupant les fablabs de la métropole rennaise. De ce fait, il s’agit d’un objet de discussion récurrent au sein des fablabs, qui sont, par définition, des espaces d’apprentissages informels où les personnes viennent librement expérimenter des processus de création et de fabrication numérique.

D’autre part, nous nous sommes interrogés sur les apports des projets menés dans le cadre des enseignements par projet, notamment en travaillant sur l’UEO Professionnelle Fabrication Numérique mais aussi avec d’autres filières professionnalisantes au sein de l’Université, comme la Licence Professionnelle USETIC, les formations en Métiers du Livre ou bien le Master Création Numérique. Comment valoriser, en complémentarité avec les enseignements, les processus créatifs et l’apprentissage technique des étudiant·e·s sur les machines du fablab ? C’est la question que nous nous sommes posés. Parallèlement, le Labfab et l’association Rennaise Bug, menant depuis longtemps une réflexion sur les usages des TICs à Rennes, ont lancé en 2019 la plateforme badges.bzh pour fédérer et engager les fablabs de la métropole rennaise dans la démarche des badges ouverts. Nous avons donc commencé à nous informer sur ce dispositif, en regardant ce qui se fait déjà. Heureusement, la démarche Open Badges est très bien documentée sur le web, et nous avons fait un travail de veille. C’est grâce à cette ouverture que nous avons vu un feu vert pour le développement de ce dispositif.

Après cela nous avons fait un travail de veille autour des badges ouverts avec nos collègues ingénieurs pédagogique du SUP, en prenant en compte notre contexte, mais aussi en allant voir ce que d’autres structures ont pu mettre en place, comme le Dôme en Normandie, qui est exemplaire dans la manière dont le projet a été piloté et documenté.

C’est quoi exactement un Open Badge ? Comment ça fonctionne concrètement ?

Un Open badge, ou badge ouvert numérique, se présente sous la forme d’une image, souvent au format .svg ou .png, à l’intérieur de laquelle sont encryptées des métadonnées telles que le nom du badge, l’émetteur·ice, le ou la bénéficiaire, le lien URL vers le badge en ligne et la date d’émission. Cette liste de données n’est toutefois pas exhaustive et peut varier selon leur conception. Les badges sont :

  • Flexibles, pouvant être utilisés dans beaucoup de contextes de travail et de formation
  • Granulaires : ils fonctionnent comme des micro-accréditations, sur la base de preuves, et servent notamment à valider des parcours d’apprentissage, l’acquisition des savoir-faire et des savoirs comportementaux nécessaire à l’apprentissage de la compétence.
  • Basés sur des preuves : l’acquisition de badges se fait sur la base d’une preuve, d’un accomplissement, un critère d’obtention. Ces preuves peuvent être stockées dans les données du badge sous la forme d’un lien URL.
  • Partageable et transférable : les différents services de portfolio en ligne permettent de stocker les badges, les exporter et ainsi de pouvoir les valoriser dans le cadre formatif ou professionnel. Ces plateformes permettent également de visualiser des badges disponibles à l’acquisition dans différentes structures et de voir le réseau des usager·e·s.

Le badge est toujours conditionné à :

  • un·e émetteur·ice, souvent une organisation
  • un·e bénéficiaire, qui reçoit le badge et peut le stocker dans son passeport (autrement dit un espace dédié en ligne créé avec un compte)

Un des aspects importants du badge est l’endossement, c’est ce qui constitue sa valeur. Une triple reconnaissance est réalisée entre le badge, l’individu mais également la structure utilisatrice. L’endossement est une fonctionnalité des plateformes de badges ouverts permettant d’approuver, d’attester un badge lorsqu’on est une organisation ou un·e bénéficiaire. C’est ce qui va constituer la réelle valeur du badge et sa légitimité. Cet endossement peut se faire de plusieurs manières.

Un badge peut être attribué directement ou demandé, en ligne par exemple via la plateforme Open Badge Passeport ou bien BadgR, créé par la fondation Mozilla. Cela peut être aussi une mise à disposition de QR codes au sein de la structure émettrice pour que les personnes demandent librement leurs badges.

Quels usages est-il possible de faire des Open Badges et est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de mise en œuvre ?

Les Open Badges peuvent avoir de nombreux usages, et ces champs sont encore à explorer, toutefois, il est nécessaire de comprendre où ils peuvent se positionner dans un contexte d’apprentissage. Nous pouvons ici nous raccrocher à la définition de la compétence selon Jacques Tardif , qui la définit comme un savoir-agir complexe, qui ne peut s’appliquer hors contexte car chaque situation est différente, et où les savoirs sont déjà présents mais nécessitent d’être mobilisés. Avec les badges ouverts numériques, nous nous situons à l’intérieur de la compétence : ils permettent de reconnaître des savoir-faire, des tâches mais aussi des savoirs comportementaux, ou soft skills , ce qui est très utile dans les situations informelles. Mais ce dispositif peut aussi venir compléter les compétences apportées par des enseignements : lorsque les apprenant·e·s ont un projet à réaliser, les badges permettent de valoriser les savoirs techniques qui ont été acquis au cours du processus : dans le cas du fablab, il peut s’agir de l’appropriation des machines telles que l’imprimante 3D ou la découpeuse laser.Reconnaître ces acquis est aussi un levier de motivation : ils peuvent être affichés sur une plateforme (nous parlons alors de « passeport ») et ainsi être valorisés lors des expériences ultérieures à la formation. La flexibilité des badges permet une grande variété d’usages : distribuables par les pairs, ils peuvent faire l’objet d’une appartenance à une communauté de pratique, ou bien de la participation à une formation, un séminaire…

Dans les exemples de mise en œuvre, le collectif Badgeons la Normandie fait office de précurseur : il s’agit d’un consortium d’établissement éducatifs, de formation mais aussi d’insertion sociale formant un bassin d’apprentissages communs où les badges peuvent être endossés par différentes structures et créés par des usager·e·s lors d’ateliers collaboratifs. C’est aussi ce que permet le dispositif : engager les publics, prendre en compte la diversité d’usages et rapprocher les structures et les individus sur les apprentissages.

Quelles sont vos perspectives pour la suite de ce projet ?

L’association Bug nous a accompagné sur la partie technique dans la conception des badges. Une fois que les badges auront été mis en ligne, nous pourrons ajouter nous-mêmes de nouveaux badges, réajuster des critères de distribution ou bien changer des visuels.

Pour ce qui est des publics, il s’agira tout d’abord de transmettre, dans la médiation qui a cours au fablab, l’intérêt pédagogique des Open Badges aux enseignant·e·s et aux étudiant·e·s et de veiller aux réajustements nécessaires dans la distribution des badges et la définition des critères d’obtention. Le SUP pourra ainsi porter cette thématique et proposer un accompagnement aux enseignant·e·s qui souhaiteraient mettre en place ces badges au sein de leurs enseignements, par exemple au sein des apprentissages s’inscrivant dans le projet Nouveaux Cursus à l’Université (NCU), où l’approche par compétence est prégnante.

Par la suite, nous pensons à développer les badges de communauté au fablab : la fabrication numérique recouvre une diversité de pratiques où chaque usager·e·s peut développer une affinité particulière envers une ou plusieurs technique, que cela soit la couture, l’impression et la modélisation 3D ou bien la programmation. Cela peut-être aussi se faire par objectifs, comme la création de jeux ou d’objets de décorations, par exemple. De manière générale, les usager·e·s du lieu peuvent aussi prendre part à ce processus, car l’important ici est de faire commun sur le terrain de la pédagogie. Chacun·e est invitée à nous faire part de ses suggestions pour la création de badges et pour discuter des critères d’obtention afin que la légitimité des badges ne soit pas seulement celle que nous lui accordons, mais aussi celle des usager·e·s qui sont les premières personnes concernées par le dispositif.

Quelles recommandations feriez-vous pour la mise en place des Open Badges au sein d’une structure, d’un enseignement  ?

Notre expérience sur la conception des Open Badges n’a bien sûr pas été sans difficulté, notamment parce qu’il a été nécessaire d’avoir un temps d’appropriation pour définir ensuite l’approche à adopter. Il faut veiller à trouver un équilibre entre ce qui est attendu et ce qu’il est possible d’obtenir. Pour nous, cela s’est traduit par un focus sur les usages du fablab, sur les processus de fabrication et notre médiation, afin que le tout soit cohérent. Il s’agit également de faire un travail de veille conséquent pour savoir où placer les badges ouverts dans un dispositif de formation : les badges ne remplacent pas l’évaluation des compétences, leur grain est beaucoup plus fin et se concentre sur les savoirs, les savoir-faires et les savoir-être.

Il est important aussi de veiller à la progression entre les différents niveaux, lorsqu’il y en a plusieurs : un trop grand écart peut décourager les apprenant·e·s. A l’inverse, il faut insister sur le critère, la preuve qui constitue le badge : une simple discussion, par exemple, ne peut pas faire l’objet d’un badge. L’équilibre se joue sur cet accomplissement, cette preuve que l’on va demander aux apprenant·e·s, et pour cela, il faut avoir la démarche de questionner les usages, les processus de travail des apprenant·e·s afin de ne pas concevoir les badges hors du contexte de formation, et ainsi s’assurer que les badges soient endossés, et donc validés par des bénéficiaires.

Nous sommes impatients d’observer comment les usagers s’approprieront ce dispositif et de voir les retours que nous aurons.

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