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Moncontour, une équipe avec des envies nouvelles

Une nouvelle équipe municipale, composée de « locaux » et de nouveaux habitants, est arrivée en 2020 à la mairie de Montcontour, commune classée petite cité de caractère au sud de Saint Brieuc. Dans ce joli village règne une ambiance accueillante, particulière et ouverte.

Un article d’By Ondine Baudon de Fréquence commune, une publication sous licen ce CC by

Vue sur le Clocher de l’Eglise Saint-Mathurin*

Moncontour est un village médiéval érigé au sommet d’un rocher dans les Côtes-d’Armor, à 30 minutes au sud de Saint-Brieuc. La commune compte 850 habitants, dont 52% ont plus de 60 ans (1). Une pyramide des âges en champignon, les plus de 75 ans sont les plus nombreux. Et pourtant, en mars 2020, une équipe de 15 élu‧e‧s de 38 ans de moyenne d’âge a été élue à la mairie. Cette commune a été conduite pendant 25 ans par le même maire jusqu’en 2014, qui était aussi conseiller général durant 24 ans.

Qui sont ces nouveaux élus ? Que souhaitent-ils apporter à leur commune ? Comment se se faire accepter en tant qu’élus et nouveaux habitants ? Comment s’y prennent-ils pour construire un projet politique de participation citoyenne avec les moncontourais·e‧s ?

De gauche à droite : Azilis Caouissin (élue), Irène Aupetit (adjointe) et Anne-Gaud Millorit (maire).

Les anciens du village du « Rocher aimant » sont accueillants

Dans cette nouvelle équipe, plusieurs élu‧e‧s habitent Moncontour depuis peu. La commune, habitée par de vieilles familles moncontouraises depuis des générations reste un village très accueillant pour les nouvelles générations venues d’ailleurs. « Moncontour est une cité ouverte, qui accueille depuis longtemps de gens venus d’ailleurs. Il y a une dynamique très particulière ici, très fertile aux projets et aux engagements de chacun, d’où qu’ils viennent. » nous explique Anne-Gaud Millorit, la nouvelle maire de Moncontour de 37 ans.

Anne-Gaud Millorit s’est installée dans ce petit village de Bretagne en 2018, après avoir travaillé à l’étranger. « J’ai acheté une petite maison dans laquelle j’ai ouvert au rez-de-chaussée le Café du théâtre » explique-t-elle. Elle trouve à Moncontour une ambiance singulière qui permet de développer des projets qui n’auraient probablement pas pris ailleurs. « J’aime appeler ce village le Rocher Aimant, parce que quand on vient y vivre, on a du mal à en repartir, je n’ai jamais trouvé pareille ambiance ailleurs. » dit-elle avec reconnaissance.

Azilis Caouissin, élue, exerce la profession d’aide médico-psychologique. En Bretagne depuis 15 ans, elle s’installe à Moncontour il y a 3 ans. « J’ai grandi dans une cité proche d’une très grande ville. J’en ai de très bons souvenirs (entraide, solidarité, convivialité) et j’ai retrouvé cet esprit à Moncontour : avoir un voisinage, se connaître, se parler, aller à l’école à pied, avoir une vie locale riche etc. ». « Avant cette aventure municipale à Moncontour, je n’aurais jamais imaginé m’engager dans une aventure politique, explique Azilis. J’avais une mauvaise image de la politique telle qu’on en parle dans les médias. Aujourd’hui encore, je ne me sens pas concernée par les discours des politiciens qui semblent si loin de la réalité du terrain. Mais dans une commune, ça n’est pas pareil, on voit les effets de nos engagements de façon très concrète. Vivre avec les habitants, prendre des décisions sur notre avenir avec eux et pouvoir mettre tout cela en pratique, c’est très satisfaisant. Participer à la vie de la commune est pour moi un moyen d’être plus heureuse. C’est pourquoi les démarches de démocratie participative me paraissent être une évidence.. » ajoute-t-elle.

Irène Aupetit est ingénieure territoriale en charge du tourisme pour une agglomération. Séduite par la beauté et l’ambiance de Moncontour, elle est venue s’y installer il y a 2 ans. Aujourd’hui, elle est adjointe à l’environnement de la commune. « Je viens d’un petit village des Yvelines. Enfant , j’étais fascinée par les élus de mon village. Ils étaient à la fois garants de l’intérêt général et proches des habitants. J’avais envie d’être comme eux » nous confie-t-elle.

La plupart des élu·e·s de la nouvelle équipe municipale de Moncontour se sont engagé·e·s pour le mandat de manière spontanée, sans particulièrement se connaître par ailleurs puisqu’ils sont nouvellement arrivés. « C’est l’aventure humaine qui nous a rassemblé dans cette liste, et la volonté de prendre les décisions avec les habitants. On avait tous envie de vivre quelque chose de nouveau et de participer activement à la vie de ce village qui nous a si bien accueilli » explique Azilis.

Comment cette équipe municipale est-elle arrivée à la mairie ?

Après le départ de M. Jean-Jacques Bizien, maire durant 25 ans, le mandat 2014-2020 a été marqué par des difficultés et de forts clivages qui ont provoqués une démission et de nouvelles élections en cours de mandat. « Après cela , l’équipe sortante n’a pas souhaité se représenter. » explique Anne-Gaud. Encouragée par un adjoint de l’ancienne équipe, désireux d’un nouveau souffle pour le village, Anne-Gaud mûrit l’idée et se lance en campagne trois mois avant les élections : « J’ai fait le tour du village pour motiver les habitants à se lancer comme moi dans cette aventure municipale, pour prendre la relève et essayer de nouvelles méthodes ».

Pendant les deux mois précédents les élections, la future équipe municipale naissante a organisé des ateliers dans l’espace public pour convier les moncontourais·e‧s à poser les grandes lignes du futur programme municipal en intelligence collective. « C’est un projet collectif, né de la vision des habitants sur leur ville que nous avons proposé aux élections municipales » dit la nouvelle maire. Cette démarche de volonté d’écoute et de coopération rompt avec les années de clivage au sein du village et de la mairie. Ces ateliers de co-construction du programme ont également permis de mettre en lumière les sujets qui faisaient débat et les attentes des habitants.

« C’est cette idée de proposer un fonctionnement politique beaucoup plus ouvert aux initiatives des gens qui a motivé tous ces nouveaux élus à s’engager sur la liste, et aux habitants à voter pour cette équipe. Chacun peut y trouver aisément sa place et agir pour la commune à Moncontour. On souhaite que ce soit une réalité jusque dans la mairie » ajoute Anne-Gaud.

Une jeune équipe qui doit prendre ses marques pour pouvoir emmener les habitants vers des démarches participatives.

L’ancienne équipe municipale était en moyenne plus âgée que l’actuelle équipe et essentiellement composée d’hommes. Après plusieurs mandats , ces anciens élus ont ont laissé la mairie vacante pour le mandat de 2020-26. Une nouvelle génération a donc pris le relais.

« Pendant la campagne, malgré cet enthousiasme pour ce nouveau souffle que nous amenions, certains habitants exprimaient des craintes sur le fait que je sois jeune et nouvelle dans la commune » explique Anne-Gaud. « L’élection a été compliquée, on était perçus comme des étrangers, des novices », ajoute Irène.

Anne-Gaud :« Il nous faut encore acquérir une légitimité, et on se rend compte que cela prend du temps. Nous prenons nos marques, nous apprenons.Nous devons gagner en confiance en nous-même, pour ensuire rassurer et convaincre.

Les habitants ont exprimé leur envie de mieux connaître l’équipe municipale et les projets. C’est pourquoi nous avons organisée nos premières permanences de quartier au mois de juin. Il y a eu une belle participation. C’était une expérience intense, riche et parfois difficile aussi. Cet exercice peut vite se transformer en cahier de doléances. Mais les échanges ont été constructifs et nécessaires. Les habitants qui avaient des questions ont obtenu des réponses. Ça nous a permis de constater que beaucoup d’habitants se sentent très concernés par les sujets liés à leur cité. Beaucoup sont déjà impliqués activement dans des associations qui œuvrent pour animer et valoriser Moncontour. C’est une vrai richesse. L’important est de parvenir à travailler main dans la main« .

Ne pas briser les dynamiques participatives d’habitant‧e‧s qui ont une connaissance très fine de leur espace de vie

« De manière générale, les gens sont assez ouverts et intéressés par notre démarche de mairie participative, ils n’ont pas d’appréhension, ils sont plutôt dans le soutien. De plus, ils trouvent que c’est très bien que des nouveaux prennent la relève, et surtout que ce soit des jeunes qui s’investissent. » explique Azilis.

Le contexte de crise sanitaire apparut au lendemain des élections, interdisant les réunions et les rassemblements, a incontestablement compliqué la mise en place des instances participatives dans le village. « Les habitants attendent encore qu’on tienne nos engagements sur la mise en place des instances participatives. C’est pour l’instant très compliqué à mettre en place à cause du Covid. Pour eux, le concept de participation citoyenne est encore très abstrait et comme on ne leur a pas encore proposé d’instance concrète, ils ne savent pas où participer ni comment. À nous de faire nos preuves ! » explique Irène Aupetit, adjointe. « Quand le Covid sera derrière nous, on déploiera de grandes assemblées dans le village, comme on a pu le faire lors de la campagne municipale » ajoute Azilis avec enthousiasme.

La formation faite à Moncontour avec Fréquence Commune a permis de questionner et de structurer la démocratie interne de l’équipe municipale dans le but de faciliter l’entrée des habitants dans les projets et dans les instances de décision. « J’ai hâte de présenter aux agents et aux habitants ce nouveau fonctionnement qu’on a mis en place pour qu’ils puissent s’approprier ce schéma et y trouver leur place et ainsi apporter à la mairie la richesse de leur vision et de leurs compétences. Les systèmes classiques des mairies brisent ces dynamiques de participation car ils découragent très vite les habitants dans leurs initiatives. Les habitants ont une connaissance très fine de leur espace de vie et sur leurs usages du village. Ces méthodes de travail collaboratives permettent d’inclure les habitants dans l’élaboration des projets municipaux, ce qui rend les projets beaucoup plus pertinents et adaptés » explique Irène Aupetit.

Une volonté de bien faire et de la formation pour augmenter la confiance

« Pour moi cette formation était un moment très fort qui nous a éveillé sur nos manières de travailler et qui nous a mis en confiance pour réaliser le projet de mairie participative avec les habitants. Notre équipe s’en est trouvée renforcée dans sa vision politique. » Azilis Caoussin.

La formation n’était pas attendue par tous les élus avec le même enthousiasme car certains d’entre eux considéraient la participation citoyenne comme une perte de temps ou comme une complication supplémentaire. D’autres, à l’inverse voulaient sans plus attendre faire du 100% participatif et avaient du mal à concevoir ce changement de pratiques « étape par étape » ou à mettre de la verticalité à certains endroits pour le rendre plus efficace, explique l’adjointe Irène Aupetit.

« La formation nous a montré qu’on pouvait faire de la participation tout en étant efficace, il suffit d’agir avec méthode et rigueur dans les processus qu’on a défini. On a appris à mieux s’organiser, à mieux se structurer en adoptant de nouvelles méthodes d’animation des réunions, en définissant les périmètres de décision et le rôle de chacun, tout cela va nous faire gagner beaucoup de temps et éviter de nombreuses tensions. » ajoute Azilis Caouissin. « Il y a un intérêt d’essayer un autre fonctionnement car le fonctionnement classique ne rendait heureux ni les habitants ni les élus » explique-t-elle. « On va se laisser le temps à Moncontour d’assimiler ces nouvelles règles entre élu·e·s, puis rapidement, d’ouvrir les groupes de travail aux habitants. On préfère y aller par étape, pour faire les choses bien. »

(1) Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-22153 -chiffres de 2017

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